Les juridictions financières ont conduit une vaste enquête sur les 80 abattoirs publics d’animaux de boucherie (communaux ou intercommunaux) dans 9 régions. Suite à cette enquête, la Cour des comptes estime que la question du maintien de ces services publics « peu rentables ou utilisés de façon quasi-privative ou exclusive par des industriels de la viande » doit être clairement posée. La juridiction dénonce en effet pêle-mêle des équipements souvent surdimensionnés et sous-exploités et des budgets communaux devant supporter de lourdes charges « qui s’assimilent souvent à des aides économiques consenties à des opérateurs privés ». Une situation d’autant plus déplaisante, selon la Cour, que les abattoirs publics ne représentent plus que 7% de l’ensemble de la filière « viande de boucherie » … Et que les magistrats avaient déjà formulé des constats similaires dans leurs rapports annuels de 1990 et 1996 sans qu’une véritable évolution ne se fasse jour.
LOURD ENDETTEMENT
La Cour s’inquiète principalement des dangers que font peser les abattoirs publics sur les finances des collectivités. Sept sont gérés en régie directe et 73 en délégation de service public. De très nombreux structures reçoivent des subventions d’équilibre pour leur fonctionnement. Les magistrats relèvent en effet le lourd endettement des abattoirs. Ils constatent que 55 abattoirs publics (soit les 2/3) cumulent « un déficit d’exploitation et une capacité d’autofinancement négative et des tensions de trésorerie ». Pire encore, 22 cumulent ces faiblesses avec une trésorerie négative et « fonctionnent sur la trésorerie du budget principal de leur collectivité de rattachement » ; 20% d’entre eux présentent en outre une capacité de désendettement allant bien au-delà du seuil d’alerte estimé généralement à 12 ans pour les collectivités locales. Cette situation s’explique notamment par le poids des investissements (mises aux normes et renouvellement des équipements). En outre, pour conserver leur clientèle, certains abattoirs pratiquent une politique tarifaire qui ne leur permet pas d’assurer un équilibre financier. Le rapport pointe d’ailleurs la forte dépendance des abattoirs publics envers une poignée de clients (moins de trois en moyenne). Dans ces cas, « la pérennité des commandes n’est jamais assurée ».
ASSOCIER TOUS LES ACTEURS
Au vu de tous ces éléments, la Cour estime que la gestion publique d’un abattoir de faible capacité et structurellement déficitaire est de plus en plus difficile à justifier. Les élus locaux concernés estiment de leur côté que les abattoirs possèdent une fonction socio-économique permettant à de petites exploitations de subsister. Leur fermeture entraînerait des coûts de transport supplémentaires pénalisant ces unités de production. La Cour des comptes reconnaît que le développement économique local et l’aménagement du territoire régional peuvent justifier certaines formes d’intervention publique. C’est pourquoi, elle soulève deux pistes. Premier dispositif imaginé : des abattoirs mobiles permettant un abattage à la ferme via un camion mobile ou un caisson d’abattage. Une expérimentation de ce type est prévue dans la loi Egalim. Seconde piste : une gestion privée collective des abattoirs par des coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) ou par des sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic). Cette solution permettrait d’associer tous les acteurs concernés et non les seules collectivités locales.
© Philippe Houdart – Uni-médias – Septembre 2020
Article à caractère informatif et publicitaire.