Aujourd’hui, près de 12% des Français – soit quelque sept millions de personnes – doivent faire des dizaines de kilomètres pour trouver un médecin. Selon une récente étude1, si rien n'est fait pour inverser la tendance, ils pourraient être 20 millions de plus d'ici à 5 ans. Soit, au total, 27 millions de personnes privées d'un accès simple à un généraliste.
QUELLE EST L’AMPLEUR DU PHÉNOMÈNE DE DÉSERTIFICATION MÉDICALE EN FRANCE ?
En 2020, une étude2 commandée par l’Association des maires de France (AMF) mettait en lumière ce véritable problème de santé publique en dévoilant que l’Hexagone ne comptait que 151 médecins généralistes pour 100 000 habitants. Une pénurie de soignants ne se limitant pas aux zones rurales : « Là où l’on recense 14,5 médecins généralistes pour 10 000 habitants autour d’Auray dans le Morbihan, il n’y en a plus aujourd’hui que 5,03 pour 10 000 habitants à Paris et dans la petite couronne » explique le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom)3. Et de préciser : « Sur l'ensemble du territoire français, seulement 20% de la population vit en zone confortable en termes d’accès aux soins de médecine générale ».
Un phénomène expliqué en partie par la baisse du numerus clausus (supprimé en 2021, il fixait chaque année le nombre d’étudiants admis en deuxième année de médecine) appliqué entre la fin des années 1970 et le début des années 1990.
Conséquence : de nombreux médecins diplômés durant cette période partent aujourd’hui à la retraite sans pour autant être remplacés. Une situation qui devrait perdurer : « En croisant les évolutions de la population avec les départs en retraite attendus de généralistes et les effectifs de jeunes en formation, et en prolongeant les tendances en matière d'installation, nous voyons clairement que les zones sous-denses dans l'est et le centre du pays devraient s'étendre, explique-t-on chez Iqvia France (une société experte de la donnée de santé, présente dans plus de 140 pays, NDLR). Les écarts territoriaux s'accentuent, et de nouveaux secteurs, relativement épargnés jusqu'ici, sont touchés, à commencer par les banlieues sud et ouest de Paris. »
PRÈS DE DEUX FRANÇAIS SUR TROIS ONT DÉJÀ RENONCÉ À DES SOINS MÉDICAUX
En France, il faut attendre 21 jours en moyenne pour consulter un généraliste, et jusqu’à 98 jours pour un dentiste4. Des délais importants qui poussent de nombreux Français à renoncer à des soins.
Pour ne rien arranger, « c’est dans les départements où la densité médicale est la plus faible que les médecins sont aussi les plus âgés » notent les auteurs de l’étude commandée par l’AMF.
L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, UNE DES RÉPONSES À LA DÉSERTIFICATION MÉDICALE
L’aménagement du territoire est un facteur non négligeable de la désertification médicale. En effet, les régions moins dotées en équipements et en infrastructures (gares, commerces, activité économique et culturelle, etc.) ont du mal à attirer les médecins, par ailleurs fermement opposés à toute régulation de leur liberté d’installation.
En outre, entre la location (ou l’achat) d’un cabinet et de son mobilier, d’une voiture, de matériel médical, de matériel bureautique, d’une patientèle, mais aussi la souscription aux assurances obligatoires, le coût d’installation d’un médecin libéral est conséquent. Et représente un frein à une meilleure répartition de l’offre de santé.
DES AIDES À L’INSTALLATION POUR ACCOMPAGNER LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ
Pour tenter d’inverser la tendance, les pouvoirs publics ont mis en place différentes aides à l’installation. Ainsi, lorsqu’un médecin s’implante dans un territoire sous-doté, il est éligible à une aide versée par l’Assurance maladie : le contrat d’aide à l’installation des médecins (Caim). Son montant varie selon le nombre de jours d’activité dans un désert médical : 50 000 euros si le médecin exerce quatre jours par semaine, 43 750 euros pour trois jours et demi, 37 500 euros pour trois jours, et 31 250 euros pour deux jours. La somme est versée en deux fois, 50% à l’arrivée du médecin dans le territoire, puis les 50% restants au bout d’un an. Dans certains cas, le montant de l’aide peut même atteindre les 60 000 euros selon la criticité de la zone où le médecin s’installe. Dès lors, c’est l’agence régionale de santé (ARS) qui verse un complément.
Un système d’aides devenu aujourd’hui plus que jamais indispensable.