Deuxième secteur émetteur majeur de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle mondiale, l’agriculture doit faire évoluer ses systèmes de production et ses pratiques pour, à la fois, réduire ses émissions et stocker les GES via les puits de carbone naturels (sols agricoles, biomasse). Selon une étude réalisée par GreenFlex, un bureau d’études spécialisé dans les transitions écologiques, le secteur agricole est encore trop peu positionné sur les dispositifs d’atténuation du dérèglement climatique et peine à trouver un modèle économique viable permettant un déploiement plus massif des pratiques impactantes, en termes de réduction et séquestration des émissions de GES. Et pourtant, la France fait figure de pionnière en la matière avec le développement des dispositifs comme le Label bas-carbone (LBC).
LES FREINS À LA MASSIFICATION DES BONNES PRATIQUES
Selon GreenFlex, plusieurs facteurs expliquent cette faible implication, à commencer par le manque d’informations à disposition des acteurs, en partant des modalités et conséquences pour un exploitant agricole, jusqu’à l’intérêt d’investir dans l’atténuation du dérèglement climatique en France pour les entreprises et les territoires. En second lieu, la réglementation française et européenne se renforce mais sans proposer de cadre global suffisamment cohérent ou d’incitations suffisantes (par exemple, la faible prise en compte des enjeux liés au climat dans la nouvelle Politique agricole commune - Pac).
Concernant l’offre et la demande, le manque de visibilité sur l’organisation des marchés et donc sur l’investissement et le risque pris, freinent certains acteurs. Les coûts associés au développement de pratiques vertueuses ne se traduisent pas toujours par une rémunération suffisante pour les agriculteurs. S’ajoute à cela le cadre contraignant du respect des critères de cumul des financements des aides imposées par le décret encadrant le Label bas-carbone.
Cette offre attend également une demande qui ne se développe pas encore massivement. Les règles financières et comptables imposées par le LBC ne permettent pas aux entreprises de définir les réductions/séquestrations d’émissions volontaires obtenues comme un actif cessible et (ou) de sortir d’une démarche centrée sur la France.
LES LEVIERS DE MASSIFICATION
Pour lever ces freins, l’étude de GreenFlex propose une série de mesures, co-construites avec un groupe d’experts du carbone et du secteur agricole, complétée par une analyse bibliographique et une série d’entretiens.
La première mesure proposée, à court terme, est la mise en place d’actions de sensibilisation et de formation pour l’ensemble des acteurs agricoles (exploitants et conseillers, étudiants) mais également pour les acheteurs à travers une offre française marketée.
En second lieu, la mise en place de réglementations françaises et européennes à la fois incitatrices (fiscalité avantageuse) et contraignantes (Pac, Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, taxonomie soit la classification standardisée des activités économiques contribuant à la réalisation d’objectifs environnementaux) a été plébiscitée. Au-delà, la transition agroécologique, poussée notamment par l’association de « crédits carbone » et d’une rémunération valorisant davantage un produit « bas carbone », serait un levier clé, s’appuyant sur un cumul plus flexible des financements.
Enfin, la levée des freins identifiés autour des crédits issus du LBC (notamment cessibilité) est indispensable pour massifier le financement par le secteur privé et les fonds d’investissements. C’est en associant ces diverses solutions à différentes échelles (européenne, française, locale) qu’une massification des dispositifs d’atténuation du dérèglement climatique en agriculture pourra avoir lieu, selon GreenFlex.