La crise sanitaire engendrée par l’épidémie de coronavirus a relancé le débat sur la souveraineté alimentaire de la France. Elle a aussi pointé une autre dépendance, relative à la main-d’œuvre saisonnière étrangère sollicitée pour récolter de très nombreuses espèces maraîchères et fruitières, non mécanisables. Il en sera de même cet automne pour les raisins de Champagne et du Beaujolais, dont les cahiers des charges interdisent la machine à vendanger. En 2019, le Centre d’études et de prospective (CEP) du ministère de l’Agriculture publiait « Actif’Agri, Transformations des emplois et des activités en agriculture », un ouvrage documentant les mutations du travail et de l’emploi en agriculture. Et pour cause : l’activité agricole est aujourd’hui moins le fait d’un agriculteur réalisant l’ensemble des tâches sur son exploitation, que d’un système complexe d’activités et de fonctions accomplies aussi bien par l’exploitant que par des tiers, salariés ou prestataires.
12% DU TRAVAIL RÉALISÉ PAR DES SAISONNIERS
Selon les données de la statistique agricole, en 2016, la main-d’œuvre familiale (exploitants, co-exploitants, aides familiaux) a fourni 66% des Unités de travail annuel (UTA). Une UTA équivaut à une personne travaillant à temps complet sur l’exploitation. Les salariés permanents ont assuré 17% du travail contre 12% pour les travailleurs saisonniers, le solde de 4% étant assuré par des tiers (Coopératives d'utilisation de matériel agricole – Cuma ; Entreprises de travaux agricoles – ETA ; groupements).
En tendance, entre 2010 et 2016, le travail salarié permanent, occasionnel ou externe, a augmenté (+ 2,2% en UTA) tandis que la main-d’œuvre familiale s’est réduite (- 9,7% en UTA). En 2016, les secteurs générant le plus d’UTA étaient la viticulture (19,2%), devant les grandes cultures (12,4%), la polyculture/élevage (11,9%), les bovins lait (11,8%). Moins nombreuses, les exploitations spécialisées en maraîchage, en horticulture et en arboriculture pointaient respectivement à 4,1%, 4,1% et 3,7%. Mais elles sont les plus intensives en main-d’œuvre avec 4 UTA en moyenne par exploitation contre 1,6 pour l’ensemble des exploitations et 1,2 pour les grandes cultures, les bovins viande et les ovins/caprins.
67 000 TRAVAILLEURS DÉTACHÉS, 8 147 CONTRATS OFII
Qu’en est-il du travail réalisé par les travailleurs saisonniers étrangers ? Ces derniers se classent en deux catégories, à savoir les salariés bénéficiant d’un contrat validé par l’Office français d’immigration et d’intégration (OFII) et les travailleurs détachés par une entreprise établie dans un État membre de l’Union européenne (UE) ou signataire d’une convention bilatérale avec l’Union européenne (UE) lui permettant, depuis 1996, de proposer ses services, sans avoir à s’y établir. En 2018, les contrats OFII, mis en place en 1963, concernaient 8 147 salariés, marocains et tunisiens essentiellement, employés quatre à six mois tandis que les travailleurs détachés étaient au nombre de 67 600 salariés (chiffres 2017), équivalant à 5 900 équivalents temps plein. Ces salariés saisonniers étrangers représentent donc moins de 10 000 UTA, sur un total de 74 000 UTA en CDD (contrat à durée déterminée) répertoriés par le Centre d’études et de prospective (CEP) en 2017. Avec moins de 15% de l’emploi saisonnier qui lui-même pèse 12% de l’emploi total en agriculture, la contribution des salariés étrangers est donc toute relative. Mais, aujourd’hui, leur blocage aux frontières, pour cause de coronavirus, a néanmoins très fortement pénalisé de nombreuses exploitations dépendantes de tels contrats.
© Raphaël Lecocq – Uni-Médias – Mai 2020
Article à caractère informatif et publicitaire.