Juridiquement parlant, un droit de propriété sur un bien en cache trois. Ce droit se décompose, en effet, en trois éléments :
- le droit d’usage du bien, qui consiste à l’utiliser ;
- le droit d’en percevoir les revenus, qui consiste par exemple à encaisser les loyers d’un immeuble et,
- le droit d’en disposer, qui consiste à pouvoir le donner ou le vendre.
Quand ces droits sont répartis entre différentes personnes, on dit que le droit de propriété est démembré. D’une part, l’usufruit est attribué à un usufruitier (ou partagé entre plusieurs usufruitiers) qui détient le droit d’usage du bien et celui d’en percevoir les revenus. D’autre part, la nue-propriété est détenue par une ou d’autres personne(s), ce qui confère à ce ou ces usufruitier(s) le droit de disposer de ce bien avec l’accord de l’usufruitier.
LA QUESTION DES BIENS CONSOMMABLES
Au décès de l’usufruitier (ou à une date convenue entre les parties), ses droits reviennent au(x) nu-propriétaire(s) devenant, de ce fait, pleins propriétaires. Aucune difficulté quand le démembrement porte sur un bien immobilier. L’usufruit permet à son bénéficiaire d’occuper le bien ou de le louer pour encaisser les loyers. Mais le bien ne lui appartient pas et lorsqu’il décèdera, le nu-propriétaire récupérera la pleine propriété de ce logement.
En revanche, quand le démembrement porte sur un bien consomptible, c’est-à-dire celui dont on ne peut pas faire usage sans le consommer, quid de sa récupération au décès de son usufruitier ? Tel est le cas, par exemple, d’un compte bancaire ou d’un placement. Comment utiliser la somme d’argent sur un livret sans la dépenser ? Ou comment user d’une cave de grands crus sans les boire ? Cette situation de démembrement sur des choses consomptibles est fréquente, quand un parent opte pour l’usufruit sur l’intégralité de la succession de son défunt conjoint et que les enfants héritent, de fait, de la nue-propriété.
UNE CRÉANCE DE RESTITUTION SUR L’HÉRITAGE
En présence de biens consomptibles, le Code civil dans son article 587 substitue à l’usufruit une notion dite de quasi-usufruit, définie comme telle : « Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution ».
Au terme de l’usufruit, l’usufruitier doit donc rendre l’équivalent de ce qu’il a reçu : des biens de même nature en même quantité ou des biens différents mais ayant une valeur pécuniaire comparable. Autrement dit, si l’usufruitier a consommé en tout ou partie des sommes d’argent, par exemple, les nus-propriétaires disposeront, au décès de celui-ci, d’une créance de restitution équivalente aux sommes dépensées. Au titre de cette créance, ils pourront donc demander, avant que le partage de l’’héritage ne soit effectué par le notaire, à récupérer, hors succession, des biens ou des liquidités de même valeur.