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LE CAS PARTICULIER DU DÉMEMBREMENT DE PROPRIÉTÉ DE BIENS CONSOMPTIBLES
Au décès de l’usufruitier (ou à une date convenue entre les parties), ses droits reviennent au(x) nu-propriétaire(s) devenant, de ce fait, pleins propriétaires. Aucune difficulté quand le démembrement porte sur un bien immobilier. L’usufruit permet à son bénéficiaire d’occuper le bien ou de le louer pour encaisser les loyers. Mais le bien ne lui appartient pas et lorsqu’il décèdera, le nu-propriétaire récupérera la pleine propriété de ce logement.
En revanche, quand le démembrement porte sur un bien consomptible, c’est-à-dire celui dont on ne peut pas faire usage sans le consommer, quid de sa récupération au décès de son usufruitier ? Tel est le cas, par exemple, d’un compte bancaire ou d’un placement. Comment utiliser la somme d’argent sur un livret sans la dépenser ? Ou comment user d’une cave de grands crus sans les boire ?
Ce cas de figure existe, notamment lorsque, dans une famille, un parent choisit de devenir usufruitier de tous les biens de son conjoint décédé, et que les enfants héritent de leur nue-propriété. Ces biens consomptibles tomberont dans la succession au moment du décès du parent usufruitier, mais comment récupérer un bien qui a été consommé ?
QUAND LE QUASI-USUFRUIT REMPLACE L’USUFRUIT
En présence de biens consomptibles, le Code civil dans son article 587 substitue à l’usufruit une notion dite de quasi-usufruit, définie comme telle : « Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution ».
Au moment de la reconstitution de la pleine propriété - normalement au décès de l’usufruitier - les nus-propriétaires (les enfants) doivent récupérer l’équivalent des biens auparavant sous usufruit.
Deux cas de figure sont possibles :
- L’usufruitier ne les a finalement pas « consommés » : ils sont restitués en l’état aux nus-propriétaires ;
- Ils n’existent plus : ils peuvent être remplacés par des biens identiques et de même valeur pécuniaire, ou remplacés par une somme d’argent correspondant à leur valeur vénale.
Autrement dit, si l’usufruitier a consommé tout ou partie des liquidités placées sur un produit financier, par exemple, les nus-propriétaires bénéficient, au décès de celui-ci, d’une créance de restitution d’une valeur équivalente qui doit être honorée avant le partage de l’héritage par le notaire.
QUEL EST L’AVANTAGE DU QUASI-USUFRUIT DANS LE CADRE DE L’ASSURANCE VIE ?
Si le quasi-usufruit peut être automatiquement créé au profit du conjoint survivant, sur les comptes bancaires, par exemple, il peut aussi être mis en place dans le cadre d’un contrat d’assurance vie.
L’intérêt est que la créance de restitution sera, alors, au moment du dénouement du démembrement (décès de l’usufruitier), recouverte par les nus-propriétaires, hors droits de succession, via la clause bénéficiaire.
Une bonne nouvelle... qui reste d’actualité, bien que la loi de finances pour 2024 ait exclu du dispositif d’exonération fiscale certaines situations de démembrement avec quasi-usufruit.
Les exclusions de la loi de finances 2024
Auparavant, tous les montants (créances) correspondant au quasi-usufruit étaient prélevés sur la succession et revenaient aux nus-propriétaires, sans droits supplémentaires à régler.
Désormais, pour que les créances ne soient pas comptabilisées dans l’actif successoral taxable, il faut que celles-ci soient issues de démembrements non créés par l’usufruitier ou non réalisées dans un objectif d’optimisation fiscale (comme les dons d’argent, par exemple).
Les quasi-usufruits issus de clauses bénéficiaires démembrées en assurance vie ne sont donc pas être concernés, continuant à impliquer des créances récupérables hors impôts de succession.