De quelles solutions collectives dispose le chef d’entreprise pour compléter sa retraite obligatoire ?
Fabrice Magnin : Pour préparer sa retraite, le chef d’entreprise prendra en compte ses actifs privés mais aussi professionnels. Avec un taux de remplacement (rapport entre la pension et le dernier salaire perçu) parfois inférieur à 50%, tout l’enjeu est de limiter la baisse de sa rémunération. S’il peut compléter sa retraite avec des solutions d’épargne individuelle (assurance vie, PER Individuel, PEA, immobilier…), l’entreprise lui permet aussi de se constituer un revenu supplémentaire à travers des dispositifs de retraite par capitalisation.
Un Plan d’Épargne Retraite Obligatoire (PER O, ex article 83) peut être mis en place. Ce contrat à cotisations définies avec sortie en rente viagère s’adresse à une ou plusieurs catégories de salariés définies par des critères objectifs (par exemple les cadres). S’ajoute le nouveau dispositif « article 39 », héritier des « retraites chapeaux ». Catégoriel comme l’article 83, ses règles d’attribution sont plus souples puisque le chef d’entreprise peut en être le seul bénéficiaire. Les droits sont aussi acquis sous forme de rente viagère mais plus rapidement et de manière plus conséquente dans la mesure où ils peuvent représenter chaque année jusqu’à 3% de la rémunération du bénéficiaire dans la limite de 30% sur l’ensemble de la carrière. L’article 39 est donc à considérer, d’autant qu’il a été réformé puisque c’est désormais un régime de droits acquis et certains. Mais pour en bénéficier, le chef d’entreprise doit proposer au moins un dispositif d’épargne retraite à l’ensemble de ses salariés.
Sophie Lebeau : Un chef d’entreprise a aussi la possibilité de se constituer une retraite supplémentaire grâce au PER d’entreprise collectif (PER COL, ex PERCO), également possible au sein d’un groupe d’entreprises (PER COL-G) ou sous la forme d’un accord inter-entreprises pour les TPE/PME (PER COL-I(1)). Il suffit d’avoir au moins un salarié présent dans l’entreprise pour pouvoir le mettre en place. Si le chef d’entreprise choisit d’effectuer des versements volontaires(2) sur le PER COL, il peut, au même titre que ses salariés, les déduire de son revenu imposable(3). De même, les deux parties bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu sur les sommes issues de l’épargne salariale investies dans le PER COL (participation, intéressement, abondement et jours de CET ou jours de congés non pris), mais les 9,7% de CSG/CRDS restent dus. L’épargne ainsi constituée pourra être récupérée au choix en rente viagère et/ou en capital total ou fractionné au moment du départ à la retraite. Le chef d’entreprise peut également se verser tout comme à ses salariés un abondement complémentaire à ses versements personnels ou en complément des dispositifs de partage du profit (participation et/ou intéressement) éventuellement versé par l’entreprise (dans la limite des plafonds légaux) et le déduire de l’impôt sur les sociétés.
Son conjoint peut-il bénéficier de ces dispositifs ?
SL : Pour cela, le conjoint (ou partenaire lié par un Pacs) doit avoir le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé, satisfaire aux obligations d’ancienneté réglementaires (3 mois) et être dans une entreprise employant de 1 à 250 salariés. Au-delà de 250 salariés, le conjoint n’en bénéficie pas.
FM : Des conditions qui valent pour tous les dispositifs. Toutefois, si le conjoint n’est pas assimilé à un collaborateur ou salarié, sa seule façon de bénéficier de ces dispositifs est que la rente soit réversible.
Quels avantages présentent la mise en place d’un PER COL et PER O par rapport aux anciens dispositifs ?
FM : Cela permet de bénéficier de la généralisation de la défiscalisation des versements volontaires dans la limite des enveloppes pour le PER COL et de la sortie anticipée pour l’acquisition de sa résidence principale pour le PER O (sauf pour les sommes issues des cotisations obligatoires).
SL : Mais également de pouvoir liquider son plan en rente viagère et/ou en capital total ou fractionné pour le PER O (excepté pour les cotisations obligatoires) et d’accéder à de la gestion pilotée par défaut qui se généralise. S’ajoute la portabilité de l’épargne constituée d’un PER à l’autre qui permet de concentrer les encours sur un seul plan pour tenir compte des carrières professionnelles de moins en moins linéaires. Il est également possible de transférer individuellement d’anciens produits d’épargne retraite (PERP, Madelin, article 83 d’un ancien employeur) vers un PER COL ou PER O et de bénéficier des nouveaux avantages des PER.
Dès lors, les entreprises doivent-elles transformer leurs PERCO et article 83 en PER COL ou PER O ?
FM : Il n’y a pas d’obligation mais la transformation est une opportunité à saisir : les cotisations versées par l’entreprise bénéficieront d’un taux de forfait social réduit à 16% (au lieu de 20%) dès lors que le PER O prévoit que l’encours en gestion pilotée à horizon est investi à 10% en titres éligibles au PEA-PME. Cela s’inscrit dans la volonté des autorités de flécher davantage l’épargne vers le financement de l’économie réelle. Dans le cas du PER O, si l’article 83 a été mis en place de manière unilatérale par l’employeur, sa transformation est simple ; si c’est par accord collectif, il faut en renégocier un ce qui est plus long. La transformation permettra au chef d’entreprise de communiquer de nouveau sur son engagement concret en matière de retraite supplémentaire. Enfin, à compter du 1er octobre 2020, le PERCO et l’article 83 ne pourront plus être déployés dans les entreprises mais les entreprises non équipées ont tout intérêt à mettre en place un PERCOL ou un PER O.
SL : Si la transformation n’est en rien obligatoire, tant que le PERCO n’est pas transformé en PER COL, le chef d’entreprise et ses salariés ne peuvent pas déduire les versements volontaires de leur impôt sur le revenu. Pour les inciter à transformer les PERCO en PER COL les entreprises ne sont pas obligées de renégocier l’accord avec les signataires, une simple information-consultation du comité social et économique (CSE) ou du comité d’entreprise suffit (solution encouragée par le législateur). La transformation est donc conseillée pour bénéficier des nouveaux avantages du PER COL.
Par ailleurs, la loi PACTE introduit, dans le cadre du PER COL, le cas de déblocage anticipé pour cessation d’activité en cas de liquidation judiciaire pour les non salariés.
Pour se constituer un revenu supplémentaire pour la retraite, le chef d’entreprise dispose donc d’une « nouvelle » palette d’outils complémentaires (PER O, PER COL, article 39) dont peuvent aussi bénéficier ses salariés, voire son conjoint collaborateur. L’occasion pour le chef d’entreprise de repenser ses dispositifs mis en place en ayant une vision globale et consolidée de son épargne retraite, et ainsi mieux se l’approprier.
(1) PESR (Plan Epargne Salariale Retraite) (ex PER Convergence) est devenu depuis le 15/10/2019 un PEI/PER COL-I ;
(2) La limite des versements volontaires s’applique au foyer fiscal ;
(3) Dans la limite, pour les salariés, de 10% des revenus N-1 retenus dans la limite de 8 Plafonds Annuels de la Sécurité Sociale N-1 - ou de 10% du PASS N-1 si ce montant est plus élevé -, et d’une enveloppe spécifique pour les Travailleurs Non Salariés ;
(4) Depuis la loi Macron de 2015, les PERCO bénéficient du forfait social à 16%. La loi Pacte ne change que la part allouée en gestion pilotée aux titres éligibles au PEA-PME désormais de 10%.
" Retrouvez le sommaire du magazine Regards partagés en cliquant ici. "
© Magazine Regards partagés Crédit Agricole Banque Privée - agencedps.com – Février 2020
Article à caractère informatif et publicitaire.