Parmi les principaux responsables de cette hausse de l’inflation sous-jacente, se trouvent les prix des biens durables. La cause en est, en grande partie, les perturbations des chaînes mondiales de production industrielle et d’approvisionnement en conséquence immédiate de la crise du COVID : de nombreux secteurs font face à des pénuries de fournitures intermédiaires et l’on observe d’importants problèmes de capacités dans le transport maritime.
Les chiffres d’inflation aux États-Unis montrent, par exemple, une très forte contribution du prix des voitures d’occasion, vers lesquelles se tournent les acheteurs car la production de voitures neuves est freinée par le manque de composants.
Enfin, notons que la fermeture de nombreuses activités, durant la crise du COVID, a souvent compliqué la mesure des prix en 2020, et donc créé des bases de comparaison moins fiables que d’habitude avec les prix de 2021.
Si l’inflation pourrait, à très court terme, monter encore d’un cran, elle refluera ensuite, très probablement, au fil de l’année prochaine. En effet, sauf nouveaux évènements inattendus, les effets de base du pétrole tireront beaucoup moins la mesure sur 12 mois à la hausse (le cours du baril était déjà à un prix élevé début 2021) et les goulots d’étranglement dans l’industrie mondiale se normaliseront progressivement.
Cependant, ce reflux prévisible des indices à partir des niveaux très élevés actuels ne signifie pas forcément un retour durable aux rythmes très faibles de la décennie 2010.
Rappelons qu’au cours des 40 dernières années, la direction générale de l’inflation a été la baisse (les modifications de politique monétaire effectuées aux États-Unis par le Président de la Réserve fédérale Paul Volcker, à partir de 1979, sont en général considérées comme le point de départ de cette tendance).
Cette baisse, au-delà des fluctuations cycliques de quelques années, s’est poursuivie jusqu’à atteindre un rythme de croisière de l’ordre de 2% aux États-Unis et de 1% en Europe au cours de la période pré-COVID.
Rappelons également que des tendances comme le vieillissement de la population, les comportements prudents privilégiant l’épargne ou, dans un registre différent, le commerce électronique, sont souvent considérées (quoique non sans controverse) comme ayant comprimé l’inflation et vont sans doute perdurer au cours des prochaines années.
De nouveaux facteurs haussiers pourraient toutefois l’emporter sur le moyen-long terme. En premier lieu, il est possible que l’inflation élevée de la période actuelle, même due surtout à des composantes volatiles, ait généré des anticipations auto-réalisatrices et contribué à initier une dynamique durable sur des composantes plus structurelles, notamment les services et les salaires.
Par ailleurs, la crise du COVID a renforcé un certain nombre de préoccupations politiques (concernant notamment les inégalités et l’environnement). Il est possible que les réponses qui y seront apportées (politiques favorables aux augmentations de salaires, normes plus contraignantes, plans de relance financés par la politique monétaire) agiront, via divers canaux, dans le sens d’une inflation au moins un peu plus élevée que par le passé.
Aussi, il ne faut pas s’attendre à la persistance (et encore moins à une envolée supplémentaire) des chiffres d’inflation spectaculaires des derniers mois. En revanche, il faut se préparer, à moyen-terme, à ce que le jeu de forces contradictoires dans lesquelles est prise l’inflation évolue pour se solder, graduellement, par une inflation un peu plus élevée que celle à laquelle les grandes économies développées s’étaient habituées.
Une telle évolution, si elle n’est pas encore certaine, parait de plus en plus plausible. Cela constituerait pour l’économie, comme pour les marchés financiers, un important changement de régime.
Les investisseurs doivent donc rester attentifs à la dynamique de l’inflation. Certes, puisque le premier temps sera sans doute à la baisse, il n’y a pas lieu d’agir de façon précipitée. Cependant, la perspective d’une inflation un peu plus élevée à long terme est, de façon générale, défavorable aux placements à taux fixes, et plutôt favorable aux actions. En effet, si les interrogations au sujet des réponses qu’apporteront les banques centrales à ce nouveau régime ne manqueront pas de générer de la volatilité sur la plupart des classes d’actifs, la majorité des entreprises devraient savoir, sur le long terme, préserver leurs marges quel que soit le régime d’inflation.
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© Magazine Regards partagés Crédit Agricole Banque Privée – Tristan Perrier (Amundi) - Décembre 2021
Article à caractère informatif et publicitaire.