La fiducie est un contrat passé entre trois personnes : le constituant, le fiduciaire et le bénéficiaire (qui peut être le constituant). Elle consiste à sortir un actif de toute nature du patrimoine personnel du constituant et à le confier à un fiduciaire dont la mission est de gérer ce patrimoine dans un objectif préalablement défini par le constituant.
COMMENT LA FIDUCIE PEUT-ELLE ÊTRE MISE AU SERVICE D’UNE PERSONNE ?
Claire Farge : La fiducie permet de protéger efficacement une personne vulnérable car le patrimoine nécessaire à maintenir ses conditions de vie n’est pas entre ses mains, ni dans celles d’un entourage qui ne présenterait pas tous les critères de probité ou les compétences suffisantes.
Ce patrimoine fiduciaire (argent, portefeuille de titres, appartement…) est ainsi mis à l’abri de toute prodigalité ou intérêt malveillant. Il est géré par un professionnel (le fiduciaire), dont la bonne exécution de la mission peut être contrôlée par un tiers protecteur librement choisi lors de la mise en place de la fiducie.
QUI PEUT BÉNÉFICIER DE CETTE PROTECTION ?
Dominique Davodet : Le constituant peut anticiper sa propre protection pour le cas où il perdrait ses facultés intellectuelles à la suite d'une maladie ou d’un accident. Il peut aussi organiser la protection des intérêts d’un enfant mineur ou d’un enfant majeur vulnérable, lorsque lui-même ne sera plus là pour s’en occuper.
Dans ce contexte, il peut par exemple faire une donation avec charge ou un legs avec charge. Aux termes de cette charge, son donataire ou héritier devra, à la réception de la donation ou de son héritage, mettre le patrimoine reçu en fiducie.
CE MÉCANISME PEUT-IL S’APPLIQUER À UNE ASSURANCE VIE ?
C. F. : Tout à fait. En vertu de la clause bénéficiaire rédigée à cet effet, l’assureur ne délivrera les capitaux qu’en les transférant à un patrimoine fiduciaire préalablement ouvert et dont le constituant en est le bénéficiaire. Grâce à ces capitaux, le fiduciaire servira une rente au bénéficiaire et pourra débloquer des fonds plus importants pour des cas prévus dans le contrat de fiducie.
Cette organisation préserve l’intégrité du patrimoine affecté aux besoins du bénéficiaire, puisqu’il est à l’abri d’un entourage peu scrupuleux. Elle permet également de conserver la fiscalité de l’assurance vie ainsi que le capital en cas de décès rapide du bénéficiaire - ce que ne permet pas une sortie en rente viagère.
QUELLES PEUVENT ÊTRE SES AUTRES APPLICATIONS ?
C. F. : Le patrimoine fiduciaire peut servir de garantie dans le cadre d’un prêt bancaire, mais aussi pour le règlement d’une dette d’argent intrafamiliale issue d’une succession ou d’un divorce. Cette technique est déjà très utilisée par les entreprises car elle présente un très fort degré d’efficacité : en cas de déconfiture du débiteur, le patrimoine fiduciaire est automatiquement restitué au créancier.
Enfin, il faut préciser que la loi ne permet pas d’utiliser la fiducie à des fins de transmission. Nous nous employons à convaincre le législateur de faire évoluer la loi.
LA TECHNIQUE FIDUCIAIRE EST-ELLE RÉSERVÉE AUX TRÈS GRANDES FORTUNES ?
D. D. : Pas du tout ! Les familles peuvent l’envisager dès lors qu’elles ne trouvent pas dans les autres instruments juridiques une sécurité suffisante pour protéger un capital ou une personne. Son coût global comprend la structuration du projet, puis des frais de gestion annuels lorsque le fiduciaire exécute sa mission.